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Les soins primaires sont devenus le maillon faible du système de santé. Les déserts médicaux s’étendent. L’égal accès aux soins est en péril. Si la brèche n’est pas rapidement colmatée, c’est tout le système de santé qui va prendre l’eau. Ce doit être la priorité du prochain quinquennat en matière de santé.

Selon un récent sondage de l'institut Odoxa, une très grande majorité des Français estime avoir à la fois le meilleur système de santé et le meilleur système d'assurance maladie en Europe.

Ils n'ont pas tort. Arrêtons de jouer aux déclinologues et de dire que tout va mal partout. S'il est un secteur où nous pouvons nous féliciter d'être français, c'est bien celui de la santé. Nos équipes médicales et soignantes sont d'une grande qualité, les établissements de santé très bien équipés. Nombre de premières médicales mondiales sont réalisés en France. L'excellence de notre recherche médicale est reconnue.

Pour autant, peut-on dire que tout va bien ? Désertification médicale grandissante de certains territoires, asphyxie financière des hôpitaux, accroissement des inégalités de santé, faiblesse des politiques de prévention sont souvent, à juste titre, montrés du doigt.

S'il est un secteur sur lequel il est urgent d'agir, c'est bien celui des soins primaires, resté encore aujourd'hui le parent pauvre des politiques publiques.

Le maillon faible du système de santé

Les soins primaires, c'est le maillon faible de notre système de santé. L'État s'est pendant trop longtemps focalisé sur l'hôpital, y concentrant les ressources et les efforts de régulation. Toutes les "lois santé" qui se sont succédé depuis les ordonnances fondatrices de 1958 jusqu'aux années 2000 n'ont été en fait que des lois hospitalières.

Contrairement à d'autres pays, l'État s'est désintéressé des soins de premier recours laissant la régulation d'un pan essentiel ou entier du système de santé aux mains de l'Assurance maladie prisonnière du système conventionnel. Notre modèle de soins primaires a peu évolué : dispositif conventionnel centralisé peu en rapport avec la spécificité des territoires, liberté totale d'installation, rémunération quasi-exclusive à l'acte, frontières professionnelles fortes alors que la prise en charge des pathologies chroniques, qui constituent l'essentiel de la demande de santé, exige une plus grande intégration des niveaux de soins, de la pluri-professionnalité et une coordination des soins.

La prise de conscience de la nécessité de structurer les soins primaires est récente. La première pierre a été posée en 2004 avec l'instauration du médecin traitant. Il a fallu attendre la loi Bachelot de 2009 pour avoir, pour la première fois, une définition des soins de premier recours. Plus récemment, la pourtant si décriée loi Touraine a souhaité engager la "révolution du premier recours".

Parallèlement à ces réformes, les dynamiques professionnelles de terrain ont fait émerger des formes d'exercice collectif qui dessinent le paysage des soins primaires de demain.

La priorité du prochain quinquennat

La performance future du système de santé passe par un investissement massif dans les soins primaires de premier recours. Les territoires se désertifient, l'égal accès aux soins est menacé. Un nombre grandissant de Français a du mal aujourd'hui à trouver un médecin traitant. Les choses n'iront pas en s'améliorant sachant que le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % par rapport à 2007 et aura baissé de 16 % en 2025.

L'aspiration des professionnels relayée par des politiques publiques a permis aux maisons et pôles de santé pluri-professionnels (MSP) d'essaimer sur le territoire. Il y en avait 827 en France métropolitaine au 1er janvier dernier et le chiffre de 1000 sera probablement atteint en fin d'année. Cette croissance jusqu'ici exponentielle est en train de ralentir. Il faut donner un nouvel élan à l'exercice collectif pluri-professionnel.

Ces structures, dont la plus-value en termes d'efficience et de qualité du service rendu n'est plus à démontrer, souffrent néanmoins d'un manque de masse critique. Elles ne comptent en moyenne que 5 professionnels de santé. Il faut réfléchir à une structure intermédiaire entre le financeur et les opérateurs de terrain (professionnels isolés, cabinets de groupe, maisons et pôles de santé) qui permettrait d'avoir également un niveau de régulation et d'allocation de ressources plus proche du terrain. Pourquoi ne pas s'inspirer des accountable care organization créées aux États-Unis par l'Obama Care ? Les communautés professionnelles territoriales de santé prévues par la loi santé peuvent offrir le cadre nécessaire.

Le futur dispositif des soins primaires devra s'emboiter avec l'offre hospitalière en cours de recomposition. Communautés professionnelles territoriales de santé et groupements hospitaliers de territoire devront s'articuler pour permettre aux patients d'avoir des parcours de santé plus organisés et fluides. Il faut abattre les murs qui continuent à séparer l'hôpital de la ville.

Enfin, aucune réflexion sur l'organisation future des soins primaires ne pourra faire l'économie d'un aménagement de la liberté d'installation des médecins. Les mesures incitatives prises à ce jour n'ont pas freiné la désertification qui ne concerne pas que les zones rurales. Même Paris est concerné ! Le desserrement du numerus clausus, voire sa suppression demandée par les doyens de faculté de médecine, ne garantira pas que les jeunes médecins iront s'installer là où sont les besoins.

Nombre de pays comme la Grande-Bretagne, l'Espagne ou la Belgique ont peu ou prou adopté des mesures régulant l'installation des médecins. De tels dispositifs existent déjà, chez nous, pour plusieurs autres professionnels de santé (pharmacies, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes). Le sujet revient régulièrement sur la table. C'est même un des rares points d'accord transpartisans. La dernière tentative de limiter la liberté d'installation remonte à un amendement déposé lors des débats parlementaires sur le PLFSS 2017, rejeté par le gouvernement. Les syndicats médicaux y sont toujours opposés. D'autres, comme le Collectif Interassociatif Sur la Santé ou la Fédération Hospitalière de France sont pour. Le futur gouvernement devra trancher. On ne peut pas continuer indéfiniment à refuser l'obstacle !

C'est un vaste chantier qui attend le prochain gouvernement.

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